
Une dizaine de jeunes Canadiens s’apprêtent à accueillir le monde chez eux à Whistler lors du 53e Championnat du monde
Pour les jeunes athlètes de luge, il n’y a guère de moment plus grisant que la première descente de compétition avec la famille au bord de la piste, scandant leur nom.
Il en est ainsi que, il y a six ans, quand Beattie Podulsky a pris le départ du haut de la piste de Whistler, elle ne désirait rien de plus qu’impressionner ses proches qui étaient venus nombreux l’encourager.
Impressionner, c’est le moins qu’on puisse dire.
Au moment même de prendre le virage 15 à une vitesse folle, elle a aperçu brièvement mais clairement le visage de sa chère tante Lisa, qui avait l’air abasourdi en voyant sa nièce passer devant ses yeux à une vitesse vertigineuse.
« Elle était bouche bée, littéralement, » se souvient Podulsky en riant. « C’est comme si je pouvais l’entendre murmurer ‘Oh mon Dieu’. »
Encore aujourd’hui, elle considère ce moment comme l’un des plus mémorables pour elle dans ce sport de glisse reconnu comme le plus rapide sur glace.
« Ma tante est venue me regarder compétitionner à Whistler chaque année depuis lors, » souligne la native de Calgary. « Évidemment, la peur et la surprise initiale sont chose du passé. »
Podulsky et sa partenaire en luge double, Kailey Allan (Calgary) s’apprêtent à concourir au Championnat du monde FIL de luge 2025, du 6 au 8 février à Whistler, en Colombie-Britannique. Podulsky compte sur l’appui enthousiaste de son père Ron et de sa mère Michelle, de son oncle Roland et de la fameuse tante Lisa.
« Ils sont une grande source d’appui. Ce sont mes plus grands fans, » affirme Podulsky, dont le frère Josh est membre de l’équipe nationale de ski acrobatique. « Mes parents sont pleinement investis. Nous sommes une famille sportive. »
Les autres athlètes canadiens qui compétitionnent en Championnat du monde à la maison à Whistler incluent les participantes en luge simple féminine : Embyr-Lee Susko (Whistler, C.-B.), Caitlin Nash (Whistler, C.-B.), Trinity Ellis (Pemberton, C.-B.) et Carolyn Maxwell (Calgary); un équipage de luge double masculine composé de Devin Wardrope (Calgary) et de Cole Zajanski (Calgary); et deux Calgarois qui concourent en luge simple masculine, Dylan Morse et Theo Downey.
À l’instar de sa coéquipière Podulsky, Downey est d’âge junior — il a seulement 19 ans — mais concourt surclassé en division sénior.
Lui aussi va compter sur l’encouragement de ses parents, Stephanie et Glen, qui comprennent l’importante passion pour le sport qui anime leur fils et qui feront le trajet à Whistler pour le regarder compétitionner.
« Les membres de ma famille m’ont indiqué à maintes reprises le respect qu’ils ont pour les efforts que j’investis dans le sport, » remarque Downey. « Il y a peu de monde qui serait disposé à y consacrer tant de temps et d’efforts, mais c’est ce à quoi on doit s’engager pour faire ce qu’on aime. »
Tous les membres d’Équipe Canada parlent d’une même voix à ce sujet. L’engagement et la détermination, ils en possèdent en abondance. L’expérience, par contre, est à la traîne. Maxwell est l’aînée des 10 membres de l’équipe; elle est née en 2000.
« Nous oublions de temps à autre – moi y compris – le très jeune âge de ces athlètes, observe Robert Fegg, entraîneur en chef de l’équipe nationale de Luge Canada. « Ce sera un grand jalon pour eux. C’est une chose de compétitionner en championnat du monde, mais c’en est une autre de le faire à la maison. L’expérience est plus grisante, et les attentes et la pression sont plus grandes. »
« Effectivement, c’est une des grandes dimensions du sport de haut niveau, composer avec la pression. C’est un aspect incontournable du processus de développement d’un jeune athlète, expérimenter la pression, apprendre comment la maîtriser, comment s’en servir. »
Downey, qui concourt en discipline de luge simple masculine, se fiche des attentes et de la pression. Pour lui, il s’agit d’une occasion en or de mettre en valeur ses talents.
« Je suis super content, » affirme-t-il. « Mes premiers championnats du monde, à la maison, c’est génial. C’est ma chance de laisser ma marque. Les autres équipes vont me remarquer et me respecter comme athlète de glisse parce que Whistler est le théâtre de mes meilleures performances. J’espère montrer au monde entier ce dont je suis capable. »
Pour ce qui est de Podulsky et de sa partenaire en doubles, Allan, cet hiver se déroule sous le signe de l’adaptation. Elles font équipage depuis quelques mois seulement, et elles apprennent sur le tas – mais c’est un défi que Podulsky trouve fort intéressant.
« Actuellement, c’est un peu comme repartir à zéro avec la technique parce que les disciplines de luge simple et de luge double sont assez différentes, » constate-t-elle. « Mais ce n’est pas une besogne. C’est comme renouer avec toute la passion de la nouveauté, de la découverte. Mieux encore, je fais mon cheminement avec une autre personne; c’est une expérience partagée et c’est très cool. »
« Kailey et moi souhaitons vraiment vivre ensemble l’expérience olympique. C’est un rêve que nous caressons depuis un très jeune âge, et à chaque année nous progressons vers la réalisation de cet objectif. »
Podulsky a entamé son parcours en luge à l’âge de 11 ans. Un jour, en accompagnant son père au Parc olympique canadien pour déposer son frère pour une session de ski, elle a remarqué un placard annonçant des séances d’initiation à la luge. Elle a décidé de s’y inscrire sur le champ, et c’était parti.
« Je sors des sentiers battus, » remarque Podulsky. « Combien de tes connaissances pratiquent la luge? Avec la possibilité de devenir un athlète olympique par-dessus le marché. Ce n’est pas un sport de grande visibilité. Pour moi c’est un atout – faire quelque chose que peu d’autres font. »
Même son de cloche de Downey. À l’âge de neuf ans, il ne s’est pas fait prier pour essayer le sport à Calgary. « C’était le coup de foudre, dès la première descente. » Ce qui ne signifie pas pour autant que tout se soit déroulé sans le moindre défi.
Il se souvient du jour où il a été promu du départ le plus bas au deuxième plus bas sur la piste. « Franchement, j’étais absolument terrifié, » avoue Downey en riant. « Mais j’ai ravalé la peur, j’ai exécuté la descente, et quand j’ai franchi la ligne d’arrivée j’ai croisé le regard de mon ami et je me suis exclamé, 'Mec, c’était comme des montagnes russes — c’était super.' La luge, c’est comme aller chaque jour sur les montagnes russes les plus emballantes du monde. »
Ayant vaincu la peur, maintenant il savoure les nuances et les défis de son sport; il est particulièrement fasciné par le rôle que joue le cerveau en prenant des décisions dans le feu de l’action.
« Toi et la luge, vous ne faites qu’un, tu piges? » dit Downey. « Le cerveau fonctionne super rapidement pour contrôler et pour réagir à tout ce qui se passe. Par exemple, je fais une erreur et mon corps réagit déjà pour pallier le problème sans que j’y pense. C’est l’un des aspects du sport que j’aime le plus, cet état de flow alimenté par l’adrénaline qui n’existe que sur la piste de glace. »
« Aucune expérience n’est comparable à la luge. »
S’étant affirmé comme un des meilleurs jeunes talents sur le circuit international junior, Downey offre une réponse surprenante quand on lui demande de raconter le meilleur moment de sa carrière jusqu’à date. Cela n’a rien à voir avec les podiums.
« Quand, à la toute fin d’une descente, tu entends le bruit des spectateurs dans l’aire d’arrivée – les clochettes, les bruiteurs, les applaudissements et les cris, » raconte Downey. « Le bruit s’amplifie à mesure que tu t’approches de la ligne d’arrivée. Les émotions que cela suscite sont incomparables. C’est comme si le bruit entre dans ton corps, retentit dans ta propre poitrine, et en même temps tu te rends compte que tu as réussi la descente, et tu te dis, 'Ouais, je l’ai eu!' »
Vous pouvez être sûr que la dernière ligne droite à Whistler sera bordée de fans portant le rouge et le blanc, venus applaudir cette nouvelle génération de lugeurs et lugeuses canadiens concourant en championnat du monde.